Et de deux !
La première fois, souvenez-vous (ou piochez dans les archives du blog,
c’est pas complique, bordel !), c’était avec un de mes amis les plus chers et
nous avions décidé de prendre d’assaut cette ville par la voie la plus
facile : voyage en avion, hôtel irréprochable, etc. Un week-end de roi du
monde ou tout nous était dû, Time Square était à nous et Central Park était
notre bac à sable !
Mais pour cette fois-ci, j’avais décidé qu’il en serait
autrement : je prendrai cette ville seul et en véritable baroudeur :
voyage en bus de nuit et séjour en auberge de jeunesse !
L’autre partie, minoritaire, juste ma mère en fait, se demande pourquoi
je m’obstine encore à dormir dans un dortoir rempli de gars alors que je
pourrais me loger plus décemment…
À ce moment précis du récit, je préfère également lever tout de suite
la moindre ambiguïté sur les doutes que pourraient avoir les esprits mal
tournés voire certaines lectrices dont j’aurais pu décliner les avances :
ce séjour dans une auberge de jeunesse n’est pas un moyen de satisfaire un
fantasme inavoué pour les dortoirs de gars… vraiment pas. Et je reviendrai
d’ailleurs sur cet épisode du périple un peu plus tard.
Tout commence avec le bus de nuit.
Pour tout dire, avant il y avait St Exupéry (qui n’était pas n’importe
qui sinon il n’aurait pas été canonisé) et son « vol de nuit », eh
bien aujourd’hui me voilà, devant vous à vous raconter mon « autobus
de nuit »… même genre d’aventure mais carrément mieux écrite.
Quoi ?! Ça vous choque ? Allons, on s’entend que cet
honorable aviateur doit davantage sa réputation d’homme de lettre à son passage
par l’aéropostale qu’a ses histoires irrationnelles de blondinet, de rose et de
renard qui parle, non ?
Bref, ce voyage en bus de nuit, donc, nous rapporte d’emblée +2.3
points sur l’échelle d’Indiana Jones (échelle qui s’impose d’elle-même dès
qu’il s’agit de mesurer le niveau d’aventure)
Ce bus de nuit qui emmène son équipage hétéroclite (on utilise jamais
assez le mot « hétéroclite ») jusqu’à la frontière qui sépare le
Canada des États Unis (pays de tous les possibles, du génie roulant de Stephen
Hawkins aux rotondités ingénues de Kim Kardashian).
Passage à la douane… toujours un moment épique…
Nous sommes là, à la queue leu-leu, attendant que les douaniers nous
appellent pour nous donner l’autorisation de rentrer sur le territoire américain.
J’essaie de réveiller les trois neurones qui ne sont pas encore tout à fait
endormis (il est près de minuit, un vendredi soir) et je me présente devant
l’officier des douanes.
Renseignement d’usage : ma nationalité, mon adresse à Montréal,
mon métier (je me garde bien de mentionner le nom de mon employeur comme, d’ailleurs,
tous les mots qui commencent par « bomb », car, ne serait-ce qu’écrire
ce mot sur Internet, je suis sûr que mon blog est déjà suivi par les agences de
surveillance américaine et canadienne), la raison de mon voyage au US…
Et là, le douanier décide même d’aller plus loin et d’essayer de savoir
pourquoi je vais faire du tourisme seul à NY. Alors, bon, en temps normal, je
ne supporte déjà pas que ma propre mère se risque à me poser des questions sur
ma vie sentimentale, alors vous pouvez imaginer la tentation que je peux avoir à
l’encontre de la curiosité très déplacée de ce douanier ricain. Une petite voix
dans mon esprit (vous avez dit schizophrène ?) me pousse à lui répondre
«Parce que ta Maman n’était pas libre » (méga super bonus sur l’échelle
d’Indiana Jones, vous l’avouerez), mais je m’entends bredouiller brièvement que
je suis célibataire et que par conséquent je voyage seul... (+1.9 sur l’échelle
Hugh Grant, éternel célibataire aux yeux de cocker triste). Le douanier me
demande alors ou je vais loger et quand je lui réponds que je vais dormir dans
une auberge de jeunesse, je peux vous jurer avoir vu dans on œil la même suspicion
que celle ces esprits retords dont je vous ai parlé plus haut.
Cet instant de gêne mutuelle passé, on me scanne les paluches, je m’acquitte
de mon visa et je remonte dans le bus pour la suite de mon odyssée (Échelle
d’Ulysse : +3.6).
Odyssée qui ne durera que quelques dizaines de minutes car tout d’un
coup l’autobus s’arrête sur la bande d’arrêt d’urgence.
A priori, un truc dans le bidule du machin dans le moteur qui fait que
le zigouigoui qui devait marcher, ne marche plus (eh les gars m’en voulez pas,
j’ai fait Chimie moi, pas Mécanique)
Vu qu’il est minuit passé, les réactions de passagers sont plutôt
molles (et c’est tant mieux pour le chauffeur vu que la majorité des passagers
sont des français « de France » et que dans c’est cas-là, le français « de
France » est le dernier des touristes râleurs qu’on veut avoir sur le dos).
Apres une interminable attente (j’avoue j’ai un peu dormi entre-temps…et
là, se pose la question de l’échelle d’Indiana Jones… car si on perd facilement
1.5 point de vigilance face au danger,
on gagne tout de même +2.1 en terme de coolitude face au-dit danger, c’est pas très
clair comme échelle), après une interminable attente, disais-je, le chauffeur
nous annonce qu’on va devoir changer d’autobus.
Nous voilà repartis lentement pour quelques km sous la pluie, afin de
regagner une aire de repos ou nous pourrons attendre le bus de secours… à ce
moment-là, l’humeur un peu molle de l’assemblée se ravive un peu… perso, je décide
de traiter le danger avec mépris, je me retourne dans l’autre sens, calant mon
front sur cette putain de barre de fenêtre et je me rendors au son du
scouitch-scouitch des essuie-glace (échelle d’Indiana Jones : +1.3, échelle de
George Clooney : -5 car même si je reste cool face au danger, j’ai bien peur
qu’un petit filet de bave s’écoule de ma bouche pour venir dégouliner sur la
vitre… dieu merci, le bus est plonge dans l’obscurité).
L’autobus providentiel arrive, fait l’échange d’attelage et on repart
en essayant de compter combien de temps cet incident nous aura pris.
Au petit matin, la première ville se dessine… ah non ce n’est pas une
ville, c’est Albany.
Albany, pour ce qui ne connaisse pas, c’est-à-dire tous les lecteurs de
ce blog sauf un (coucou Yannick!), c’est la capitale de l’état de NY.
La capitale de NY n’étant pas NY, eh oui, on apprend des trucs en
lisant mon blogue, c’est dingue, de rien c’est un plaisir d’illuminer votre
ignorance du phare de mon insondable connaissance (laissez, c’est pour moi).
Albany c’est surtout une ville où je n’ai compte que 17 humains vivant à ce
jour. Il est évident que l’arrivée de l’autobus vient de doubler la population
de la ville, et nous nous préparons à recevoir la visite du maire de la ville
pour l’occasion.
Fuyant les honneurs (+1.7 sur l’échelle d’Indiana Jones, qui préconise
de fuir les mondanités pour se conduire en male bourru qui saura émouvoir la
jeune femme idéaliste prête a tout pour le changer), je profite de cette pause
pour satisfaire un besoin naturel (échelle de George Clooney : -6.3, car George
ne fait pas pipi).
Il faut savoir qu’entre les toilettes a
la japonaise ou tout est immaculé (savez-vous que c’est le même mot pour
dire propre et beau en japonais ?) et les latrines de Calcutta ou, certes
je n’ai jamais mis les pieds, mais quelque chose me dit qu’on y chope plus de
champignon qu’un matin d’automne dans la forêt de Bouconne) il y a les
toilettes de la gare routière de Albany. Et autant vous le dire tout de suite,
on est plus sur du standard indien que nippon, voyez… C’est peut-être là,
d’ailleurs le seul point commun entre l’Inde et Albany, mis à part le monsieur
dans la petite pièce fermée qui de toute évidence regrette ce jour-là d’avoir mangé
un curry (je vous fais rêver, hein ?).
La chance m’ayant fait garçon (non ce n’est pas du machisme c’est juste
qu’avec ce dont la nature m’a doté, même si ce n’est pas très spectaculaire,
restons modeste, il m’est très facile de faire pipi debout), je fais donc ce
que j’ai à y faire et je me précipite au lavabo ou je m’arrête net devant un
espèce de papier tue-mouche des années 50, parsemé de diptères agonisant… un
vrai cimetière… mes yeux se lèvent pour ne plus regarder le spectacle de ces
petites pattes qui s’évertuent encore à gigoter et je remarque à ce moment-là,
le ballet incessant des familles des victimes qui virevoltent dans la pièce…
beurk… je gagne alors un méga bonus Indiana Jones et je passe à +17.
Quelques instants plus tard, l’autobus repars et nous arrivons sans
plus d’encombres a NY (avec près de 6h de retard).
Le choc.
La gare routière étant située en plein centre de Manhattan (à l’angle
de la 41eme et 8eme pour faire local), c’est l’effervescence de la ville que
vous prenez en pleine face. Ça roule, ça freine, ça klaxonne, ça double, ça s’insulte,
ça parle dans leur cellulaire, ça fait la manche… vous êtes aux antipodes de la
retraite monastique d’un couvent dans les Ardennes
Première des choses, il est 11h30 du matin et l’homme a faim. Il se met
alors en chasse, à la recherche de son gibier. C’est décidé, l’homme veut poser
un geste citoyen et anti capitaliste et décide ce week-end de ne pas abreuver
les multinationales que sont Mc Ronald et Starduck (oui, les noms ont été
changés volontairement parce que l’homme, même si il est idéaliste, n’a juste
pas les moyens de se taper un procès avec ces cons). Échelle Jose Bové : + 7.8.
Mes premières heures newyorkaises commencent par la visite de la High
Line. Mais avant de poursuivre, et pour la clarté du récit, veuillez noter que
chaque fois que j’évoquerai le terme « petite ballade », le lecteur aura pour
tâche de comprendre que je me suis vautré dans mon sens de l’orientation
(légendaire) et que je me suis paumé (Echelle Vasco de Gamme :-148 à chaque
fois, mais +46 sur l’échelle d’Indiana Jones, pour le danger, l’aventure, le
frisson, le risque). Bref après une petite balade sur la côte ouest de l’ile de
Manhattan, me voici enfin au début de cette voie verte, ancienne ligne de métro
aérien reconvertie en passage piéton rempli de verdure. Mélange industriel et végétal,
la promenade est agréable, point de vue très sympathique des gratte-ciel baignés
par cette lame de vert salutaire (non pas de « vers solitaire »… je m’abstiendrais
de parler ici de parasites intestinaux…). Les touristes comme moi sont ravis,
il y a même des locaux qui profitent du beau temps pour flâner ou rêvasser sur
les chaises longues… petit break (gros matage des beautés locales, en fait…)
15h l’auberge de jeunesse va bientôt ouvrir ses portes, je décide de
m’arracher à ce banc qui me manque déjà et après une autre petite ballade
jusqu’à un métro, je trace jusqu’à l’auberge…
(À suivre…)